Abandon de poste : licenciement ou présomption de démission ?
- Philomène GASPAR
- il y a 6 jours
- 11 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 5 jours

L’abandon de poste fait partie des situations délicates dans les relations de travail. Autrefois utilisé comme moyen de quitter son emploi pour toucher le chômage, l’abandon de poste est désormais encadré par la loi de 2022.
Quels sont les risques pour un salarié qui abandonne son poste ? Quelle est la marche à suivre pour l’employeur ? Décryptage complet dans notre article.
SOMMAIRE
Absences légitimes qui ne constituent pas un abandon de poste
De l’obligation de licenciement à la présomption de démission
Quelles sont les conséquences d'un abandon de poste pour l'employeur ?
Quelles sont les conséquences d'un abandon de poste pour le salarié ?
Mettre en demeure un salarié, procédure de licenciement... quelles options pour l’employeur ?
Que faire si l’employeur ne réagit pas à un abandon de poste ?
Que se passe-t-il si le salarié reprend son poste après une mise en demeure ?
Bonus 2 : Modèle de lettre de licenciement pour abandon de poste
Qu’est-ce qu'un abandon de poste ?
L’abandon de poste désigne l’absence injustifiée et prolongée d’un salarié de son poste de travail, sans autorisation ni information préalable de l’employeur. Cette situation, définie par le Code du travail, peut désormais entraîner une présomption de démission ou un licenciement.
Il peut s’agir d’un départ anticipé en pleine journée ou d’une absence répétée sur plusieurs jours.
Il concerne aussi bien les salariés en CDI qu’en CDD, y compris pendant la période d’essai.
Absences légitimes qui ne constituent pas un abandon de poste
Toutes les absences non autorisées ne peuvent pas être qualifiées d’abandon de poste. Le Code du travail et la jurisprudence reconnaissent plusieurs situations où l’absence d’un salarié est considérée comme légitime.
Certaines absences sont reconnues comme légitimes et ne peuvent pas être sanctionnées comme un abandon de poste :
consultation médicale urgente ;
décès ou maladie grave d’un proche ;
exercice du droit de retrait en cas de danger grave et imminent ;
participation à une grève ;
arrêt maladie ou accident du travail reconnu ;
congés légaux ou conventionnels (naissance, mariage, enfant malade, événements familiaux, etc.) ;
visites médicales obligatoires organisées par l’employeur.
Dans tous ces cas, l’absence du salarié n’est pas considérée comme un abandon de poste.
Pourquoi choisir l’abandon de poste ?
Les raisons varient selon les situations :
désir de quitter son emploi sans démissionner pour conserver (à tort) un espoir d’indemnités chômage,
refus d’une rupture conventionnelle par l’employeur,
difficultés personnelles ou professionnelles (burn-out, conflits internes),
volonté de rejoindre un autre emploi rapidement.
Toutefois, depuis la réforme de 2023, l’abandon de poste n’est plus une porte d’entrée automatique vers le chômage.
De l’obligation de licenciement à la présomption de démission
Avant la réforme : licenciement pour abandon de poste
Lorsqu’un salarié abandonnait son poste, l’employeur devait obligatoirement engager une procédure de licenciement pour faute. C’était la seule manière de rompre officiellement le contrat, ce qui ouvrait droit pour le salarié aux allocations chômage.
Depuis la loi du 21 décembre 2022 : présomption de démission en cas d'abandon de poste
La règle a changé avec la loi du 21 décembre 2022 et le décret du 17 avril 2023 (Article L1237-1-1 du Code du travail). Désormais, le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne répond pas à la mise en demeure est présumé démissionnaire, sans procédure de licenciement.
La procédure fonctionne ainsi :
’employeur envoie une mise en demeure, par recommandé ou remise en main propre, pour demander au salarié de justifier son absence ou de reprendre son poste.
Le salarié dispose d’un délai d’au moins 15 jours calendaires pour répondre (Décret R1237-13).
Si, au terme de ce délai, il n’a ni repris son poste ni fourni de motif légitime, il est automatiquement considéré comme démissionnaire.
👉 Conséquence majeure : cette démission présumée ne donne pas droit aux allocations chômage, contrairement au licenciement.
|
Quelles sont les conséquences d'un abandon de poste pour l'employeur ?
Avant la loi du 21 décembre 2022
Lorsqu’un salarié cessait de venir travailler sans justification, l’employeur devait lancer une procédure de licenciement disciplinaire (faute simple ou faute grave). C’était long et encadré : convocation à un entretien préalable, entretien, notification de licenciement. Mais c’était aussi la voie la plus sûre juridiquement, car la rupture était claire et validée.
Depuis la loi du 21 décembre 2022
L’employeur a désormais une alternative. Après avoir envoyé une mise en demeure au salarié et laissé passer un délai de 15 jours sans réponse ni reprise du travail, il peut faire jouer la présomption de démission. Dans ce cas, il n’a plus besoin d’engager une procédure de licenciement. Cette présomption entraîne la rupture du contrat de travail.
Limites et risques de la présomption de démission
Sans mise en demeure conforme, il n’existe aucune présomption de démission : le contrat de travail n’est donc pas rompu automatiquement et le salarié reste juridiquement lié à l’entreprise.
Aussi, la présomption de démission n’est pas sans danger pour l’employeur. En effet, si le salarié parvient à justifier son absence (maladie, droit de retrait, harcèlement, etc.) et saisit le conseil de prud’hommes, la rupture peut être requalifiée en licenciement abusif. C’est pourquoi de nombreux employeurs continuent à privilégier la procédure plus classique du licenciement pour faute grave, jugée plus sécurisante sur le plan juridique.
Quelles sont les conséquences d'un abandon de poste pour le salarié ?
L’abandon de poste entraîne plusieurs effets immédiats et lourds de conséquences :
suspension de la rémunération tant que l’absence n’est pas justifiée,
impossibilité d’occuper un nouvel emploi tant que le contrat initial n’est pas rompu (si le contrat de travail interdit le cumul d’emplois) ,
perte du droit aux allocations chômage si la démission est présumée,
risque d’atteinte à la réputation professionnelle, faute de certificat de travail et de références,
possibilité pour l’employeur de réclamer des dommages et intérêts en cas d’intention de nuire prouvée.

Mettre en demeure un salarié, procédure de licenciement... quelles options pour l’employeur ?
Face à un abandon de poste, l’employeur doit faire preuve de prudence et respecter un formalisme strict :
Vérifier s’il existe un motif légitime (maladie, accident, décès, droit de retrait).
Contacter le salarié pour obtenir des explications (mail, téléphone, courrier).
Envoyer une mise en demeure de reprendre le travail sous 15 jours.
En l’absence de réponse, choisir entre :
appliquer la présomption de démission,
engager une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement (faute simple ou faute grave selon les cas).
Le licenciement pour abandon de poste obéit aux étapes classiques : convocation à entretien préalable, entretien, puis notification de licenciement.
☝️ Bon à savoir : L’employeur est tout à fait fondé à adresser une mise en demeure au salarié absent et à le contacter (courrier recommandé, remise en main propre contre décharge, e-mail, téléphone) pour exiger des explications ou un retour. Ces démarches légitimes (tant qu’elles ne sont pas excessives et intrusives de la vie privé du salarié) ne sauraient consister du harcèlement.
|

Procédure en cas de licenciement pour abandon de poste
Le licenciement pour abandon de poste obéit à un formalisme strict du droit du travail, qu’il s’agisse d’une faute simple ou d’une faute grave.
1. Mise en demeure du salarié
Adressez au salarié une lettre recommandée lui demandant de justifier son absence ou de reprendre son poste. Sans réponse, engagez une procédure disciplinaire.
2. Convocation à l’entretien préalable
Envoyez la convocation dans les 2 mois suivant la constatation des faits. Indiquez l’objet de l’entretien et la possibilité pour le salarié de se faire assister
3. Entretien préalable
Organisez l’entretien au plus tôt 5 jours ouvrables après réception de la convocation. Présentez les motifs (abandon de poste, désorganisation…) et recueillez les explications du salarié.
⚠️ À noter : Aucune décision ne doit être prise à ce stade (principe du contradictoire).
|
4. Décision et notification du licenciement
Entre 2 jours ouvrables et 1 mois après l’entretien, envoyez une lettre recommandée précisant le motif (faute simple ou grave), les dates de rupture du contrat et de remise des documents de fin de contrat.
⚠️ À noter : l’absence d’envoi ou une notification hors délai peut entraîner la requalification du licenciement en rupture abusive devant le conseil de prud’hommes.
|
Que faire si l’employeur ne réagit pas à un abandon de poste ?
Si votre employeur ne réagit pas à un abandon de poste, sécurisez d’abord votre situation par écrit : adressez-lui un courrier (idéalement en recommandé) exposant le motif de l’absence, joignez vos justificatifs et indiquez clairement si vous reprenez votre poste à une date précise.
Sans mise en demeure, cette présomption de démission ne s’applique pas, mais le contrat reste en vigueur, la rémunération peut être suspendue et vous ne pouvez pas prétendre aux allocations chômage via France Travail. À défaut de réponse rapide, reprenez le travail pour éviter toute dérive disciplinaire, sollicitez un entretien RH ou l’Inspection du travail, et, si vous estimez que l’employeur a gravement manqué à ses obligations (salaires impayés, harcèlement, sécurité), consultez un avocat en droit du travail pour envisager une prise d’acte ou une résiliation judiciaire plutôt qu’une rupture floue et défavorable.
Que se passe-t-il si le salarié reprend son poste après une mise en demeure ?
Lorsqu’un salarié reprend son poste dans le délai imparti par la mise en demeure, il n’est plus considéré comme démissionnaire. Son contrat de travail continue donc de s’exécuter normalement. Toutefois, le fait d’avoir quitté son poste sans autorisation reste une faute susceptible de sanction disciplinaire.
L’employeur peut alors décider d’adresser un avertissement, un blâme, voire une mise à pied en fonction de la gravité de l’absence et du contexte (ancienneté, antécédents, durée de l’absence). En revanche, la sanction doit toujours être proportionnée et justifiée. Si le salarié apporte un motif valable (maladie, urgence familiale, danger imminent), aucune sanction ne pourra être retenue contre lui.
Abandon de poste et droit au chômage : quelles règles ?
Avant la réforme, un abandon de poste débouchait souvent sur un licenciement pour faute grave, ouvrant droit aux allocations chômage. Désormais, l’abandon de poste équivaut à une démission non légitime et n’ouvre pas droit à l’ARE (allocation de retour à l’emploi) auprès de France Travail.
Le salarié peut toutefois contester devant le conseil de prud’hommes s’il estime que son absence repose sur un motif légitime (santé, sécurité, harcèlement, etc.). Dans ce cas, la rupture pourrait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Alternatives à l’abandon de poste
Avant d’envisager un abandon de poste, d’autres solutions plus sécurisées existent :
la rupture conventionnelle, négociée entre salarié et employeur, qui ouvre droit au chômage,
la démission pour motif légitime (ex. : déménagement pour suivre son conjoint, non-paiement du salaire),
la prise d’acte de la rupture du contrat, si l’employeur a manqué à ses obligations (harcèlement, discrimination, salaires impayés), avec saisine du conseil de prud’hommes.
Ces options offrent une meilleure protection juridique au salarié tout en évitant les conséquences négatives de l’abandon de poste.
Bonus 1 : modèle de lettre de mise en demeure
Téléchargez notre modèle de lettre de mise en demeure ou copier / coller le modèle ci-dessous.
[Nom de l'employeur][Adresse] [Nom Prénom du salarié] [Adresse] Fait à [Ville], le [Date]
Références : Lettre recommandée avec accusé de réception n° [*****]
Objet : Mise en demeure pour absence injustifiée de votre poste de travail
Madame, Monsieur,
Salarié(e) de l’entreprise [raison sociale] depuis le [date d’embauche] en qualité de [intitulé du poste], nous constatons que vous êtes absent(e) de votre poste depuis le [date de début de l’absence], sans autorisation préalable ni justificatif transmis à ce jour.
Par la présente, nous vous mettons en demeure de reprendre vos fonctions au plus tard le [date limite souhaitée], ou à défaut de nous fournir, dans le même délai, tout élément justifiant votre absence.
Nous attirons votre attention sur le fait qu’à défaut de régularisation de votre situation, nous serons contraints d’envisager des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’à la rupture de votre contrat de travail, conformément aux dispositions du Code du travail.
Dans cette attente, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.
Signature et cachet de l’entreprise
|
Bonus 2 : Modèle de lettre de licenciement pour abandon de poste
Téléchargez notre modèle de lettre de licenciement pour abandon de poste ou copier / coller le modèle ci-dessous.
[Nom de l'employeur][Adresse] [Nom Prénom du salarié] [Adresse] Fait à [Ville], le [Date] Références : Lettre recommandée avec accusé de réception n° [*****] Objet : Licenciement pour abandon de poste
Madame, Monsieur,
Salarié(e) de notre entreprise depuis le [date de signature du contrat de travail], vous n’exercez plus vos fonctions depuis le [date du début de l’absence]. À ce jour, aucun motif valable ne justifie votre absence. En effet, aucune autorisation d’absence exceptionnelle ne vous a été délivrée et aucun justificatif ne nous est parvenu.
Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du [date de réception de l’AR], nous vous avons mis(e) en demeure de reprendre votre poste ou de justifier votre absence. Malgré cette relance, votre absence s’est poursuivie, entraînant un manquement grave à vos obligations contractuelles et une désorganisation du service.
Conformément à l’article L1232-2 du Code du travail, vous avez été convoqué(e) le [date de la convocation] à un entretien préalable fixé le [date de l’entretien]. Vous ne vous êtes toutefois pas présenté(e) à cet entretien.
En conséquence, nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour abandon de poste.
Compte tenu de votre ancienneté dans l’entreprise, vous auriez dû effectuer un préavis de [durée du préavis]. Toutefois, nous vous informons que nous avons décidé de vous en dispenser.
À l’issue de votre contrat, vous recevrez l’ensemble des documents légaux nécessaires à la poursuite de votre vie professionnelle :
Nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées. Signature et cachet de l’entreprise
|
FAQ
Quelle durée d’absence caractérise un abandon de poste ?
Une absence injustifiée de plus de 48 heures peut être qualifiée d’abandon de poste. La présomption de démission s’applique après 15 jours sans réponse à une mise en demeure.
Quelle est la nouvelle loi sur l’abandon de poste ?
Depuis 2023, un salarié qui ne reprend pas son poste après mise en demeure sous 15 jours est présumé démissionnaire, sans droit au chômage.
Quels sont les risques pour un salarié en CDI qui abandonne son poste ?
Le salarié risque la suspension de salaire et ne touchera pas le chômage (démission présumée), sauf contestation réussie aux prud’hommes. Ses droits sociaux (sécu, retraite, mutuelle) restent acquis.
Quelle est la procédure en cas d’abandon de poste ?
L’employeur envoie une mise en demeure. Sans reprise ni justificatif sous 15 jours, il peut appliquer la présomption de démission ou engager un licenciement disciplinaire.
Quelle est la procédure de licenciement pour abandon de poste ?
Elle comporte 4 étapes : mise en demeure, convocation à entretien préalable, entretien, puis notification du licenciement par lettre recommandée.
Que risque un salarié qui reprend son poste après un abandon de poste ?
Il n’est pas considéré comme démissionnaire, mais il peut recevoir une sanction disciplinaire proportionnée (avertissement, blâme, mise à pied, voire licenciement).
Un abandon de poste est-il possible dans la fonction publique ?
Oui, il est également sanctionné et peut entraîner une radiation des cadres, considérée comme une démission.
Commentaires